Lorsque l’on évoque la Bolivie, on pense souvent au Salar d’Uyuni, le plus grand et haut désert de sel au monde, aux sommets majestueux et enneigés des Andes qui nous toisent à plus de 5000 mètres d’altitude, alors qu’on sillonne durant des heures les hauts plateaux de l’Altiplano, eux-mêmes suspendus à plus de 3000 mètres. Évidemment, les clichés sur le folklore bolivien, la flûte de Pan, les troupeaux de lamas broutant de rares herbes sous des vents glaciaux et les chauds habits incroyablement bariolés des habitants de l’arrière-pays, perdus dans des villages suspendus sous des cieux capricieux ne tardent pas à venir à la rescousse de l’imaginaire populaire. Tout cela est juste et légitime. Mais cela ne représente que 30% de la réalité du pays, car 70% du territoire se trouvent composés de vertes pampas et de luxuriantes forêts, qui représentent une grande partie du Sud-Ouest de l’Amazonie, où les réalités, le climat et la culture sont fort différentes de ces cartes postales.
Alors laissez-moi vous emmener à mes côtés, pour quelques jours d’exploration de cette seconde Bolivie, bien plus sauvage, chaude et humide en cette saison des pluies, truffée de communautés indigènes qui ne sont pas pressées d’entrer dans le grand mythe du progrès que promeut notre monde moderne. Ces peuples indigènes, gardiens de traditions et de savoirs millénaires, sont bien conscients des dangers qui les guettent à vouloir se dissoudre dans la mondialisation et de cette grande illusion de l’économie planétaire, au risque de perdre toute leur culture, leurs langues et leur merveilleuses spécificités. Ces peuples sont bien décidés à lutter contre la cupidité et la voracité des hommes qui saccagent et menacent de manière irrémédiable notre trésor à tous et qui constitue leur cadre de vie depuis toujours, que représente la grande et prolifique forêt d’Amazonie.
Alors, en route pour la petite bourgade de Rurrenabaque, porte d’entrée sur la région du Beni et les immenses territoires, pour beaucoup inexplorés, de l’Amazonie bolivienne. Nous voyagerons sur des pistes défoncées par les intempéries et rarement réparées, faute de moyens financiers (en 2019, plus de 37% de la population vivait sous le seuil de pauvreté, avec moins de 2 dollars par jour !). Nous prendrons des pirogues pour rejoindre un modeste lodge perdu dans la Pampa. Nous dormirons dans un cabane pour le moins rustique, mais éviterons de faire la sieste dans les hamacs qui nous tendent les bras, pour ne pas se laisser dévorer par les nuées de moustiques qui sévissent en cette contrée, quand la saison des pluies se fait impatiemment attendre. La montée des eaux devraient noyer les nappes dormantes qui servent de pouponnières aux moustiques et viennent y pondre leur larves surnuméraires. Nous rencontrerons au fil de l’eau, une multitude d’espèces animales fascinantes à observer, que je vous laisse découvrir en images sur mon blog.
Le lendemain, nous mettrons le cap sur le Parc national Madidi, l’une des 22 réserves boliviennes protégées et l’une des plus importantes biosphères au monde, s’étageant des hauts contreforts des Andes à l’Ouest, perchés à 6000 mètres, jusqu’aux méandres humides et impénétrables de l’Amazonie à l’Est, à 180 mètres d’altitude. Ce territoire protégé regroupe plus de 5.500 espèces végétales, mais certains experts scientifiques ont réajusté récemment l’estimation à environ 10.000. C’est dire l’extrême diversité de ce lieu vital pour l’humanité et la vie sur Terre. Mais la faune n’est pas en reste et quelques heures de marche sous la canopée finissent par nous le démontrer. Plus de 1800 espèces de papillons exposent leurs couleurs et motifs invraisemblables dans le clair-obscur de la forêt. Les papillons peuvent compter sur le soutien aérien d’un millier d’espèces d’oiseaux différents, dont les fabuleux toucans et perroquets que nous admirerons à l’envi. Les fleuves et les rivières regorgent de plus de 800 espèces de poissons. 265 espèces différents de mammifères et une centaine de reptiles finissent de peupler ce jardin d’Eden.
La rumeur locale évoque l’existence d’une communauté indigène, située au centre de ce territoire hostile et difficilement pénétrable, qui n’aurait jamais eu aucun contact avec d’autres peuplades. On reporte souvent l’histoire d’un norvégien qui était tombé amoureux de la Bolivie et de ces lieux reculés, où la Nature a étendu sous tant de formes son empire. Le bougre s’était mis en tête de partir à la découverte de ce peuple inconnu et d’être le premier à prendre contact avec cette tribu située au cœur du Madidi, selon les dires des anciens et des populations locales. Il partit un matin, il y a de cela plusieurs décennies, sur sa pirogue chargée de vivres, bien décidé à remonter le fleuve et à inscrire son patronyme imprononçable sur le longue liste des découvreurs et aventuriers de l’Amérique Latine. Mais l’histoire s’arrêta là. Plus personne n’entendit jamais parler de lui. Il ne revint jamais à la civilisation et n’eut pas l’occasion d’écluser les bars de Rurrenabaque pour vanter les mérites de ses explorations solitaires. Il fut sans doute englouti par l’immense et peu conciliante forêt vierge, peu encline à se laisser ainsi déflorer, ou peut-être victime d’une fièvre transmise par un quelconque insecte ou reptile venimeux qui peuple abondamment les lieux ou d’une maladie le faisant disparaître dans d’atroces souffrances, totalement déboussolé, perdu et esseulé. Ou peut-être fut-il simplement embroché par quelques membres de cette tribu mystérieuse, au caractère peu affable, qui ne gouttèrent guère l’apparition contrariante d’un intrus sous leur paisible et millénaire frondaisons. Le mystère perdure, et comme toute chose inexpliquée, c’est ce qui en fait sa beauté et toute sa poésie !
Nous partirons en solitaire, avec Alex, notre guide et leader local de la défense des droits indigènes, avec lequel nous aurons de passionnantes conversations sur la longue histoire, la situation présente, complexe et difficile, ainsi que sur l’avenir de cette région du monde et des habitants qui la peuplent.
Alex est tellement passionnant et déterminé à défendre la justesse des communautés indiennes dont il est issu, qu’il rejoindra la série de portraits que je suis en train d’écrire, pour mon troisième livre qui sortira à l’été 2023, sur les rencontres étonnantes du bout du Monde.
Nous monterons à bord d’une barque depuis les rives de Rurrenabaque pour remonter lentement, le fleuve Beni puis le fleuve Tuichi, qui nait et meurt au sein même des 1,9 millions d’hectares de l’immense territoire protégé du Madidi, en se jetant au terme d’un long parcours de 265 km dans le fleuve Beni. Ce dernier rejoindra son tour le fleuve Madeira, l’un des principaux affluent de l’Amazone, le plus long fleuve du monde et, on le sait moins, le plus puissant par son débit, puisqu’à lui seul, il équivaut au volume cumulé des six fleuves qui le suivent immédiatement dans l’ordre des débits. Je vais abréger ici ma chronique pour ne pas la transformer en roman fleuve, mais il faut bien avouer qu’en ces contrées autant reculées que prodigieuses de vie et de beauté, la Nature a fait les choses en grand. Je vous laisse découvrir tout cela en photo…Bon voyage ! Et n’oubliez pas votre écran total et votre spray anti-moustiques…

















































mais on se fait une raison et on est heureux pour la nature qui en a bien besoin…
Merci pour ce fabuleux voyage !!!
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Et ces trois petites tortues en balade !
J’adore 🙂
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