(Toutes les images sur le Kruger Park à la fin de cette chronique)
Comment survivre à cette fucking incredible Life ?
Comment faire comprendre et partager un peu de cette existence digne de montagnes russes, à osciller entre des sommets émotionnels intenses, faite de rencontres improbables, souvent intenses, et de solitude apaisante et prolifique ?
Comment ne pas sombrer dans la folie d’une boule de flipper projetée vers des envies d’avenir, avec l’espoir que la partie ne s’arrête jamais, mais contrainte de devoir s’adapter aux obstacles du parcours, au talent du joueur et à cette sacro-sainte règle de la vie nomade qui oblige à continuer seul, coûte que coûte, vers l’inconnu, comme attiré par lui mais incapable d’y poser ses bagages ?
Comment jongler avec cette vie que j’ai choisie et qui se révèle magnifique, faite d’allers-retours entre une tranquillité féconde et des rencontres inopinées et surprenantes, ponctuée d’événements forts en émotion, de découvertes et d’imprévus galvanisants ?
Tout le secret et la magie d’une telle existence est de composer en permanence entre ces rencontres impromptues et délicieuses que la vie nous propose et qui donnent parfois l’envie de rester et les ruptures inexorables qui leur succèdent, ces départs obligatoires vers une vie de voyage, une nouvelle destination, un nouveau pays vers lequel l’autre, le compagnon, qu’il soit d’amour ou d’amitié, ne peut pas suivre, faute de temps, de liberté, de moyens ou, comme souvent, engoncé(e) dans une vie d’obligations et un bourbier de fausses raisons.
Que faire de ces bouts de chemins étincelants, de ces heures de connivence qui redonnent foi en l’humain, de ces jours de sincérité où l’être se donne avec ce qu’il a de meilleur, face à l’inéluctable impossibilité de poursuivre le chemin ensemble, de construire une histoire, de fraterniser durablement ou de vivre une histoire d’amour pérenne ?
Gabriel Garcia Márquez disait très justement que « la vie ce n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment l’on s’en souvient. »
C’est tellement juste.
N’importe qui ayant eu un proche touché par la maladie d’Alzheimer le sait.
Alors que faire de tous ces moments vécus avec flamboyance, ne collectionnant que le crépitement des débuts, tel un professionnel des commencements qui croquerait la vie par les deux bouts, mais prendrait ses jambes à son cou dès qu’il s’agit de s’établir, de construire, de durer ? Peut-on bâtir une vie en se contentant de milliers d’étincelles et en dédaignant la chaleur réconfortante d’un foyer ?
La solution consiste-elle à foncer tête baissée vers l’avenir, à jouer à saute-frontière, à se réfugier en permanence vers d’autres lieux, d’autres cultures, des langues ou dialectes inconnus, vers de nouvelles rencontres qui apporteront leur lot de bonheur et leurs vibrations pleines d’espérance…
Où mène cette vie d’ivresse et d’étourdissements, ponctuée d’instants de tranquillité absolue et d’écriture ?
Comment survivre durablement à une existence faite de coups de cœur quasi permanents, de cette folie du mouvement perpétuel, d’émotions souvent impartageables ?
L’issue réside-t-elle dans le fait de continuer à s’enivrer, accumulant les jours radieux, l’un après l’autre, l’instant présent s’effritant comme une falaise friable et allant rejoindre le cimetière des souvenirs ? Alors, pour continuer, encore et encore, il ne reste que l’énergie vitale d’un être que l’on rencontre, l’invite d’un sourire qui nous accueille dans le petit club des humains résolument libres, la lumière d’un regard que l’on croise et qui nous fait prendre – pour un temps – les vessies de l’avenir pour des lanternes, le vent dans les cheveux qui ébouriffe les projets et la chaleur sur la peau qui réveille les sens et certifie que l’on est sacrément vivant !
Alain Bashung avait raison !
Je parcours des kilomètres de vie en rose, mais j’ai dans les bottes des montagnes de questions.
Envie de pleurer, de rire aux éclats, de trinquer et de danser en pensant à ces 9 jours magiques passés en stimulante et harmonieuse compagnie au cœur du parc Kruger.
Je redoutais un peu ce grand zoo à ciel ouvert de 350 km de longueur et large de 80 km, où les humains sont parqués dans des camps pour la nuit, guidés le long de routes goudronnées et de pistes sagement damées, et contrôlés efficacement pour assurer cette parfaite sécurité si chère au monde moderne.
Pas question qu’un touriste finisse en hamburger dans la gueule d’un lion ou se fasse écrabouiller par un hippopotame. Alors, interdiction de sortir de son véhicule, de rouler les vitres ouvertes, de marcher dans le bush…
Mais le Kruger tint sa promesse et vaut le détour !
J’y ai vécu des moments uniques de solitude et de complicité, de longues minutes de silence à deux et des dialogues prolifiques au cœur d’une nature aride.
Il faut dès que possible quitter les routes principales où les gens s’agglutinent et aller fureter sur les pistes poussiéreuses, emprunter les « loops », ces bifurcations qui s’enfoncent dans la savane et longent les rivières, souvent asséchées en cette saison. On n’y croise plus personne. On a l’impression d’être durant quelques heures dans l’Afrique profonde et plus dans une réserve administrée avec une efficacité tout anglo-saxonne.
Et que dire de cette connexion avec le monde animal, avec ces grands animaux qui peuplent notre imaginaire, la chance de les voir évoluer en liberté, dans leur milieu naturel, de les voir surgir au détour d’un virage, traverser la piste pour rejoindre un point d’eau, patauger dans une rivière ou guetter une proie, passant le plus clair de leur temps à se nourrir ?
Un peu comme l’homme finalement, le plus dangereux prédateur de tous.
J’ai déposé chez elle mon copilote pleine de charmes et de sourires, pour qu’elle reprenne le cours de sa vie.
Je reprends le mien, après un dernier passage à Nelspruit chez le spécialiste Land Rover pour quelques ultimes réparations et réglages, avant de passer au Mozambique pour une tout autre page de mon histoire.
Je n’ai pas de réponses à toutes les questions que je me pose et c’est sans doute la nature même du voyage au long cours qui impose cette suite continuelle d’attachements et d’arrachements dont parlait si joliment Nicolas Bouvier, dans l’Usage du Monde.
C’est parfois dur à vivre, derrière le décor de carte postale et les chroniques de voyage, mais qu’on ne s’y méprenne pas, il n’y a aucun doute : c’est une fucking incredible Life !
Tu n’as pas respecté les règles ! Tu as laissé entrer une gazelle dans ta voiture ! Gros bisous !
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Un voyage de découverte est une véritable bénédiction, mais avec la découverte de soi, vous pouvez tout conquérir. Quelle leçon cela a été pour votre copilote ! Merci beaucoup d’avoir élargi votre invitation à avoir un aperçu de votre beau et sauvage voyage. Jusqu’à ce qu’on se retrouve..
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Vivre…intensément… !
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Et moi qui commencais a m’inquieter…pfff! Bien sur, pas de nouvelles, bonnes nouvelles. « Une suite continuelle d’attachements et d’arrachements » tout est dit sur cette incredible life. Keep enjoying it!
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Petite odeur de déprime ?
n’oublie pas : demain sera toujours mieux 😉
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