Il faut souvent se méfier des drôles d’oiseaux, ces êtres de plumes et d’ailleurs.
Car parfois, dans l’étincelle d’une rencontre, sur un malentendu, par un récit aux allures anodines, dans un bonjour ou un sourire, ils vous emmènent dans leur sillage.
Je parle bien sûr des oiseaux migrateurs. Ceux qui plongent avec vaillance dans l’eau de la lagune, aux heures finissantes pour aller prélever leur becquée, et qui ressortent avec des poissons d’argent.
Je parle de ceux qui se jouent des vents contraires et qui font les pitres dans la lumière dorée d’une journée pleine de joie.
Je parle aussi des volatiles exotiques qui nous donnent envie de décrocher la Lune et d’aller nous perdre à l’autre bout du monde pour vérifier si la Terre est ronde comme le cœur des hommes.
Je parle du colibri de Colombie, du Condor des Andes, des grands échassiers d’Afrique ou des vieilles Pies amasseuses de trésors et de quelques brindilles.
Il faut se méfier des drôles d’oiseaux, quand de leur bec piaffant ils vous disent et vous invitent, en quelques mots qui nous courbent les yeux, ceci :
“La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards. »
Paul ELUARD, Capitale de la douleur, (1926)










