
La dure vie de l’écrivain-voyageur qui entre !
Tout le décor est parfois dans l’introspection. Toute la beauté est souvent intérieure. Que dire de l’apprentissage du temps, durant ces interminables heures de route asphaltées, sous une chaleur inhumaine, sur ces lignes droites obstinément rectilignes qui strient cette Argentine désargentée en tous sens et me rappellent l’abrutissement de ma vie d’avant ?
Tout l’espoir est dans le chemin qui s’ouvrira à l’aube, dans l’espoir de quelques courbes ou reliefs qui me feront sortir de moi-même…
Mais les plus belles histoires appartiennent au passé, car elle ont un avantage inouï : elles existent !
Un homme ne pèse que le poids de ses souvenirs enflammés et de quelques onces d’espérance d’un avenir qui lui ressemble.
Si une voyante m’avait tiré les cartes ce soir, frisant le cliché, elle m’aurait sans doute dit que je voyagerai jusqu’aux confins de ce temps qui me reste, jusqu’au bout de cette planète sans aucun bout, accaparé par mon obsession d’être le plus vivant d’entre nous.
Elle aurait consulté les oracles de l’univers invisible et m’aurait dit que les vapeurs du cigare et les excès de whisky sont mes meilleures alliés pour cette profession de passe-frontières qui est désormais la mienne.
Sans doute aurait-elle conclu que les souvenirs accumulés dans au fond de ma mémoire Alzheimer et mes rêves de lendemain qui chantent sont mes plus belles victoires, dans cette chasse au trésor qui me pousse vers demain, en attendant l’inéluctable précipice, vers l’inconnu qui nous tend les bras !
J’en aurai eu pour mon argent et me serait resservi un verre pour trinquer avec tous ceux qui me rendent si terriblement heureux.
Qu’importe le décor ou les circonstances. Seules importent l’ivresse et la certitude de savoir qu’on a vécu, envers et pour tous !
Ce soir, j’ai rencontré une voyante qui m’a tiré les cartes et qui, sans le savoir, a lu ma ligne de vie dans les demains.