Soirée clandestine

Chers amis, chers lecteurs qui me faites l’amitié de me suivre dans mes plus folles pérégrinations, je ne m’attendais pas à vivre une telle chose et à vous faire partager, de manière si immédiate et transparente, ce qui vient de m’arriver.

Pour être franc, je vous écris ce témoignage, quelques heures à peine après avoir été libéré par mes ravisseurs. Je suis encore sous le coup de l’émotion et compte sur cette chronique pour trouver un sens à ce qui vient de survenir, afin d’en tirer une leçon. La suite de mon voyage et ma tranquillité d’esprit en dépendent.

Une de mes amies, Martha, qui vit à Santa Cruz, m’avait prévenu de l’existence de ce groupuscule qui œuvre sous couvert d’un parfait anonymat et qui sévit principalement sur les hauteurs de La Paz, mais qui parfois n’hésite pas à étendre ses agissements dans quelques autres grandes villes du pays.

Bien sûr, à ce stade du récit, vous vous demandez de quoi il s’agit et ce qui a bien pu m’arriver. C’est bien légitime mais laissez-moi reprendre mes esprits et vous résumer en quelques mots ce que l’on peut appeler Le pitch

Sur le coup de 19h, nous nous baladions paisiblement dans les rues pentues de La Paz, avec mon amie Catherine qui m’a rejoint en Bolivie pour voyager un mois à mes côtés et vivre mon existence un peu folle de vagabond impénitent. Chemin faisant, au hasard du parcours, nous nous retrouvâmes sur une place un peu déserte, au milieu d’un quartier résidentiel et calme. Nous nous assîmes sur un banc pour continuer notre conversation, quand un grand escogriffe, vêtu de blanc, vint à notre rencontre. Le plus déconcertant était qu’il fut coiffé d’une cagoule noire qui ne laissait voir que son regard perçant. Une barbe foisonnante débordait du fin passe-montagne. Nous eûmes été en pleine journée, dans un établissement bancaire, nul doute qu’il s’eût agi d’un braquage en bonne et due forme, et que lever les main en l’air eût été l’attitude la plus adéquate. Mais que pouvait bien vouloir cet individu en début de soirée, dans ce minuscule square de quartier, habillé et masqué de la sorte, en s’adressant à moi courtoisement et en me demandant comment je m’appelais ?

Je n’allais pas tarder à le savoir et à avoir confirmation de mes craintes. En effet, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, nous nous retrouvâmes, Catherine et moi, dans un vieil autobus, de ceux typiques et déglingués, ancestraux et toussotant, dont cette ville a le secret.

Il faut dire que, souhaitant être conciliant avec cet inconnu masqué, nous acceptâmes de le suivre, plus par gré que par force, dans ce bus d’un autre âge, afin de voir où tout cela nous mènerait…

Sept autres couples avaient déjà pris place à bord du véhicule, sur des banquettes défoncées. On nous fit assoir sur les deux sièges qui demeuraient vacants à l’avant. Ces deux places qui sont toujours disponibles à l’école primaire, devant la maîtresse, là où s’asseyent volontiers les premiers de la classe et plus souvent encore les retardataires, en sachant que le reste de la troupe s’échine à disparaître au fond, le plus près possible du radiateur, dans l’espoir de n’être pas interrogé, et plus sûrement encore au milieu de la classe, disparaissant au cœur de la multitude, en espérant se fondre dans le nombre pour ne pas se faire remarquer.

Le bus démarra, suivi d’un imposant nuage noir qui nous laissa peu d’espoir sur son bilan carbone et sur la participation active de la Bolivie au sauvetage de la planète ! Nous n’avions absolument aucune idée de là où nous allions, de ce qui allait nous arriver et, pour utiliser une métaphore de circonstance, à quelle sauce nous allions être manger !

Je pourrais continuer de filer le récit de cette histoire, sur le même mode narratif, pour tenir en haleine mon lectorat, mais je crois qu’il serait plus honnête de mettre un terme à cette introduction quelque peu romancée, même si tout ce qui est dit est rigoureusement exactement, afin de vous expliquer de quoi il retourne. 

Il s’agit d’une initiative unique au monde, dont mon amie Martha m’avait effectivement parlée quelques semaines plus tôt à Santa Cruz. Elle m’avait recommandé d’aller tenter l’expérience de Sabor Clandestino (Saveur Clandestine en français) lorsque je serai à La Paz, m’expliquant qu’il ne s’agissait pas vraiment d’un restaurant mais d’un collectif de cuisiniers indépendants, agissant de manière clandestine (d’où l’histoire de la cagoule noire que revêt chaque membre de ce collectif, pour demeurer anonyme). L’objet est de hacker la gastronomie bolivienne, de réconcilier la cuisine de rue omniprésente, faite d’échoppes ou de vendeurs ambulants, avec la haute cuisine, de défendre et de mettre en scène de manière différente et qualitative les produits locaux pour proposer une alimentation aux antipodes de la malbouffe galopante qui se répand un peu partout en Bolivie, comme dans tous les pays d’Amérique Latine. 

En résumé, Sabor Clandestino se sert des aliments et du prétexte de l’alimentation, pour proposer une expérience unique et décoiffante, qui va bien au-delà du simple fait de se nourrir. Derrière leur initiative gastronomique se cachent une motivation et une démarche écologique, politique et sociale. Vous allez comprendre. L’expérience qu’ils proposent dépasse largement ce que nous connaissons tous, lorsque nous allons diner dans un restaurant classique. 

Mais revenons un instant sur les origines de Sabor Clandestino et sur leur philosophie, avant de détailler cette expérience culinaire qui vaut vraiment le détours. Tout à commencer il y a 8 ans de cela. Une bande d’amis, cuisiniers dans l’âme, se désespérait de voir la médiocrité, l’absence de créativité et le peu d’imagination qui caractérisaient la cuisine Bolivienne et ce, malgré la grande richesse et la variété des produits autochtones. Ils ont alors décidé d’investir des lieux publiques (placettes, coins de rue,…) pour faire goûter leurs créations, de manière autofinancée et improvisée, en offrant gratuitement à la population la possibilité de déguster des aliments qu’elle connaissait très bien, parce que constitutifs de la cuisine populaire et quotidienne, mais en les sublimant (émulsions, restructuration, décomposition des recettes traditionnelles pour réinventer une autre proposition de goûts et de textures). Cette initiative de rue, spontanée et généreuse, portait le joli nom de Somos Calle (« Nous sommes la Rue »), afin de marquer leur appartenance aux quartiers modestes et de rester fidèles à leur racines éminemment populaires.

Très vite, face à l’engouement du public, ils multiplièrent les initiatives et les projets autour de l’alimentation, allant jusqu’à donner des cours de goûts et de cuisine aux jeunes dans les écoles, pour partager leur passion et transmettre leur exigence artistique, dont la nourriture quotidienne était malheureusement dénuée. Au fil du temps, Sabor Clandestino se développa, sophistiqua son offre et son propos, et l’équipe compte aujourd’hui une vingtaine de membres.

Afin d’expliquer plus en détails ce que nous avons vécu, je me permettrais de revenir sur les premières lignes de cette chronique, où je parlais, avec malice de « mes ravisseurs ». Si mon objectif inavouable était de susciter chez le lecteur, un frisson de curiosité malsaine, sur un continent où les rapts et demandes de rançon sont monnaie courante, la réalité n’est tout de même pas loin. Car nous fûmes, Catherine et moi, concrètement ravis, victimes heureuses et consentantes d’un véritable ravissement comme vous allez le comprendre et le découvrir en images. Si le sens premier du verbe ravir signifie prendre ou enlever de force, le second sens évoque le fait d’avoir été transportés (au propre comme au figuré), c’est-à-dire avoir été élevé au ciel. Tout cela pour m’affranchir du fait d’avoir utilisé le terme de ravisseurs, qui m’est venu naturellement, en voyant cette équipe encagoulée.

Tout a donc commencé quelques jours auparavant, en recherchant et contactant Sabor Clandestino sur Facebook, seul moyen d’entrée en contact avec eux. Je laissai un bref message expliquant que j’étais français, écrivain-voyageur, très attiré par leur aventure artistico-gastronomique et que je souhaitais pouvoir être « convié » à leur prochain diner. Avouez que tout cela est une démarche peu classique et quelque peu mystérieuse, puisqu’ils choisissent librement de coopter ou de sélectionner les 16 convives qui auront le privilège, ce soir-là, de vivre ce qui s’avérera un véritable spectacle. Plus que jamais, l’expression « Show devant ! » allait trouver sa raison d’être.

Je reçu le lendemain un message m’indiquant qu’ils me conviaient gratuitement à diner (me faisant cadeau de la soixante d’euros que coûtait la soirée, privilège du statut d’écrivain…), mais qu’ils ne pouvaient pas se le permettre pour Catherine. Je sautais sur la première date qu’ils me proposèrent, « samedi soir prochain ». Leur message précisait qu’ils m’enverraient via whatsapp, quelques heures avant, les détails du lieu et l’heure du rendez-vous.

Chose dite, chose faite. Je reçus le samedi après-midi la confirmation que nous avions rendez-vous dans le centre de La Paz, Plaza Adela Zamuio, à 19h pétantes. Le message insistait sur la ponctualité et sur la nécessité de les prévenir d’une quelconque intolérance alimentaire de la part des convives. Nous nous retrouvâmes donc, un quart d’heure avant, sur la fameuse place. Peu à peu, d’autres couples arrivèrent, se répartissant sur les quelques bancs de libres qui parsemaient la petite place, ou restant debout, à quelques minutes du début de l’évènement. Le vieux bus que je décrivis plus tôt se gara aux abords du petit square et le grand escogriffe cagoulé que j’évoquai vint à notre rencontre, demandant à chaque couple à quel nom était la réservation. Une fois les retardataires arrivés, il nous regroupa autour de lui pour nous expliquer l’histoire de Sabor Clandestino et la philosophie de leur mouvement. Nous étions les seuls étrangers, à l’exception d’une jeune américaine qui était en couple avec un trentenaire Bolivien, qui lui faisait la traduction en anglais de toutes les explications. Nous ne fûmes pas mécontents, quand il nous invita finalement à rejoindre le bus, car le froid commençait sérieusement à tomber, et l’altitude de 3500 mètres à laquelle se situe La Paz, qui lui vaut le qualificatif de « plus haute Capitale au monde », faisait que les nuits devenaient soudainement très fraîches, dès la nuit tombée.

Le bus antédiluvien, si typique de la Bolivie, se mit en route et partit lentement à l’assaut des côtes impressionnantes de la ville, en crachant bruyamment comme une vieux montagnard asthmatique. Les seize passagers qui avaient été sélectionnés pour participer à ce diner, reçurent d’autres explications de la part des deux membres d’équipage cagoulés et purent déguster une première mise en bouche qui nous fut remise, dans un petit coffret à la présentation soignée. Nul doute que nos hôtes avaient le sens du spectacle et cultivaient l’art du happening. Nous avions le sentiment d’être privilégiés en étant conviés à ce qui allait s’avérer une expérience hors norme, et d’être les complices d’un complot ourdi par ce groupuscule d’artistes culinaires des rues, qui visait à braquer clandestinement les meilleurs produits et recettes de la cuisine bolivienne, pour se les accaparer en les réinventant complètement. Curieux mélange des genres…

Un quart d’heure plus tard, la joyeuse troupe se retrouva sur le trottoir, au pied d’un dédale de ruelles étroites qui grimpaient à l’assaut d’un quartier populaire, peu éclairé. Le mystère et l’excitation grandissaient. Après quelques minutes d’ascension, nous nous retrouvâmes face à une maison, surmontée d’une enseigne enseigne « Sabor Clandestino », devant laquelle un groupe de quatre à cinq personnes, toutes cagoulées et habillées de l’uniforme blanc, élégamment siglé SC, nous attendait. Ils étaient en train de nous concocter un cocktail à base de produits locaux et de Singani (l’eau de vie bolivienne) et une seconde mise-en-bouche, en guise de bienvenue. Il devint évident, à ce moment-là, que chez Sabor Clandestino, le spectacle n’est pas que dans l’assiette, mais que tout a été pensé pour surprendre les invités et les conduire patiemment sur le chemin de la dégustation.

Nous nous retrouvâmes quelques minutes plus tard dans la cave de la maison, qui est en réalité la demeure de Marco Quelca, le promoteur et « chef » du collectif, aménagée désormais en cuisine et en restaurant. De toute évidence, les cuisiniers nomades des origines, qui durant des années créèrent la surprise en organisant des évènements culinaires impromptus et en investissant à l’inspiration des lieux publics, ont eu besoin de se sédentariser et de créer un lieu fixe, même si celui-ci demeure secret et n’est révélé qu’aux quelques happy fews sélectionnés pour la circonstance.

Je vous laisse découvrir en images l’expérience de ce diner, qui dura deux bonnes heures et fut jalonné de 9 plats. A chaque fois, il s’agissait d’une véritable mise en scène, extrêmement réfléchie, qui prit la forme de 9 tableaux d’inspiration théâtrale, avec jeux de lumières et vidéos ou sons projetés afin de créer une nouvelle ambiance et d’annoncer le thème du nouveau plat. De toute évidence, Sabor Clandestino n’est pas un restaurant classique, au sens où on l’entend d’ordinaire. C’est un spectacle, une œuvre artistique complète qui utilise l’alimentation comme vecteur d’un message plus global, un point de vue que cherche à transmettre le collectif.

On peut vite être dérouté par l’expérience, et comme le précise Marco Quelca, « ne pas apprécier tous les plats », d’une créativité débridée, mélangeant parfois avec un peu de maladresse trop d’ingrédients et de saveurs. Mais il est certain que c’est une cuisine qui provoque, questionne, oblige à s’interroger, à s’affranchir de l’assiette pour devenir un manifeste politique. Dans quel type de société voulons-nous vivre, car il n’est pas de vie sans nourriture ? 

Par les 9 tableaux qui scandent le rythme du diner et tenant davantage du discours militant, du manifeste social et politique, qui anime cette talentueuse bande de cuisiniers maquisards, l’expérience nous amène à réfléchir, au final, sur la consommation de l’aliment comme acte social, un geste responsable et renouvelé chaque jour, ayant un impact sur la société, sur l’homme et sur la mère Nature. Ils ont sans nul doute inventé une nouvelle manière de vivre la nourriture, d’éprouver de nouvelles expériences culinaires où le produit se trouve magnifié et questionne chacun d’entre nous sur sa place dans le patrimoine gastronomique et culturel de son pays…

Sur le coup de 22h, le bus nous ramena au point d’origine et chaque couple se dispersa sans même se saluer, comme une volée de piafs indifférents reprenant le cours de leur vie.

En marchant silencieusement dans les rues désertes de La Paz, laissant les évènements reposer au fond de nos âmes pour mieux en discuter a posteriori, je repensai à Léo, mon vieil ami italien qui faisait commerce de vin et vendait jadis des bouteilles de grands crus italiens aux meilleurs restaurateurs parisiens. Un jour, alors qu’il m’avait invité à partager l’une des meilleures tables de la Capitale, il me posa à brûle pourpoints cette question : « Sais-tu ce qu’est un restaurateur ? ».

J’éclatai de rire et lui fit remarquer que j’avais consacré dans ma vie, une conséquente somme d’argent et un temps considérable dans les meilleurs restaurants de France et de Navarre, et que par conséquent, je pensais avoir une idée assez précise de ce qu’est le métier de restaurateur, en éludant naturellement le fait de lui en donner une définition précise.

Léo sourit, nous resservit un verre de vin, trinqua en me regarda et me dit la chose suivante :

« Si tu veux savoir ce qu’est réellement le métier de restaurateur, je t’invite à te mettre devant n’importe quel établissement digne de ce nom, sur le trottoir d’en face, de préférence vers 20 heures. Et tu regardes avec attention le ballet des gens qui arrivent. Ils ont pour la plupart, les stigmates du stress de leur journée de travail, de la nervosité de la vie parisienne. Ils ont des mines fermées, le pas pressé ou pesant. Ils sont sur leur téléphone pour éponger autant que faire se peut une dernière tâche urgente de leur accaparante to-do-list. Ils pénètrent, seul ou en couple dans le restaurant, arrivant en ordre dispersé après avoir eu du mal à se garer ou avoir pris les transports en commun. Voilà pour l’arrivée. 

Et puis vers 22 heures ou plus tard, tu te repostes sur le trottoir d’en face et tu regardes les mêmes sortir. Ils rient et s’esclaffent. Se promettent de se revoir bien vite et de se donner plus souvent des nouvelles. Ils se prennent dans les bras et s’embrassent fraternellement. 

Alors, voilà le métier du Chef de cuisine ou du patron de restaurant, ils sont des restaurateurs au sens de ceux qui œuvrent dans les musées, de celui ou celle qui au Louvre dédie son temps à redorer le blason d’un tableau, à lui redonner ses couleurs d’origines, à effacer les dégâts du temps. Celui qui se sert d’une cuillère pour goûter les plats qu’il vient de concocter avec passion, et non d’un pinceau de couleur, est aussi un restaurateur, sa mission est de réparer les âmes et de redonner vie au gens qui viennent chez lui. » 

Je vis depuis plusieurs décennies avec cette magnifique métaphore et, j’ai un succès ineffable à chaque fois que je demande à un restaurateur, chez qui je dine ou déjeune, s’il connait la définition de son propre métier. Émotion garantie !

Je ne sais pas si le collectif Sabor Clandestino répare les âmes. Mais il est certain qu’ils ont de plus en plus de succès et ont inventé, à leur manière, avec une originalité folle, une nouvelle forme de vivre la nourriture, de nous questionner sur la fonction de l’alimentation, ce rituel social autant que vital, si malmené à notre époque et ce, sous toutes les latitudes où mes pas m’ont porté. Ils œuvrent magnifiquement pour sauver le patrimoine culinaire de la Bolivie, en le réinventant. Il visent à faire de l’aliment, l’élément essentiel du lien social et du vivre ensemble.

« Alimentaire ! Mon cher Watson », s’esclafferait Sherlock Holmes s’il menait son enquête sur la vraie définition du métier de Restaurateur…

La suite, en images.

Publié par

Entrepreneur, écrivain et globe-trotter. L'homme le plus léger, le plus libre et le plus heureux du monde;-)

2 commentaires sur « Soirée clandestine »

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