Derrière les beaux paysages, les lieux incontournables à visiter, tant vantés par les agences de tourisme, pour que le touriste occidental puisse s’exclamer un jour, au détours d’une confortable conversation: “j’ai fait la Bolivie”, j’ai les yeux embués et le coeur rageur.
Derrière les selfies si promptement instagrammés, faire-valoir de vies où les apparences sont devenues l’idéologie du moment, j’ai des larmes de pierre.
Face à ces existences Photoshopées, et à l’insouciance contemporaine de tant de mes semblables à détourner le regard des choses essentielles,( et je ne parle pas que des problèmes et des indécentes injustices de notre époque), je saigne des yeux…
Mon sang, parfois si froid (aventure oblige!), bouillonne et ne fait qu’un tour. Un tour de coeur, avant de faire un tour du monde.
Calfeutré derrière la vitre à carreaux de l’un des meilleurs restaurants de Tarija, j’achève un magnifique repas où le Daiquiri, le Ceviche et un excellent vin blanc enjolivèrent mon samedi. Essayant de pondre une chronique, mon regard s’évade un instant par la fenêtre et s’effiloche sur cette femme, sur le trottoir d’en face. Je la regarde longuement.
Recroquevillée, souvent le bras tendue, la main ouverte, tournée vers le ciel qui se refuse ostensiblement à la moindre offrande. Son visage est une grâce d’humanité. Elle pourrait être ma sœur, ma mère, mon amie. De la vie, visiblement elle ne connaît pas les coups de main, et de l’existence, elle ne connaît que la paume. Pourquoi? Qui est-elle? Qu’elle fut sa vie ? Comment en est-elle arrivée là?
Je ne peux pas disparaître vers ma soirée sans avoir des fragments de réponse à toutes ces questions coupantes.
J’ignorais, en entrant dans ce temple de la gastronomie bolivienne, que j’en ressortirai avec un plat à emporter et que j’irai m’assoir par terre, dans l’une des rues les plus commerçantes de cette ville si vivante, pour apprendre et partager, avec humilité, une magnifique leçon de vie. Le véritable voyage commence vers les autres, souvent les plus invisibles et les plus discrets, et s’achève toujours sur les rives méconnues du soi-même…
PS: je salue au passage la marque Samsung, sponsor involontaire de cette chronique épidermique, qui donne par ce cliché, toute sa force au cynisme de la société moderne dans laquelle chacun de nous se débat pour trouver sa voie et faire entendre sa voix!
