Vous voyez des cathédrales de béton, d’acier et de verre, lancées à l’assaut des cieux pour combler l’avidité de quelques hommes à la recherche d’un nom.
Je ne vois que des mains calleuses, des dos courbés, des regards exténués, au terme des jours sans fin.
Vous parlez de milliards de dollars, d’investissements d’avenir, de villes nouvelles et de mégalopoles, avec la fièvre de conquérants, dans vos regards sans vie.
Je n’entends que le cri silencieux mais assourdissant de la nature qu’on assassine, de la terre que l’on clôture, des familles qu’on exproprie, et les râles de l’ennui qui dégoulinent de vos façades derrière lesquelles vous parquez les derniers fragments d’humanité.
Vous inventez des mots nouveaux, de scintillants concepts et des promesses d’avenir, en égrenant le jargon tout neuf des camelots du temple: innovation, technologie, progrès, metaverse, serinez-vous…
Crypto-monnaies, Black Friday, croissance, automatisation ou cours de bourse… répétez-vous !
Sans doute finissez-vous par croire vous-mêmes à tous vos boniments?
Je ne trouve dans vos mots désincarnés et vos projets d’enfants gâtés, que des rêves insensés, une avidité folle et délétère, une nauséabonde idolâtrie de l’argent roi et l’immuable persuasion qu’on les cyniques qui prétendent inventer un monde meilleur.
Vous diffusez de la peur et de noires prophéties, qui suintent en continu des colonnes, des plateaux, des ondes et des réseaux.
Vous avez, dites-vous, l’antidote miracle que vous imposez en réglementant, en taxant et en interdisant.
Vous persévérez à vanter les mérites d’une vie à crédit, d’une consommation effrénée, d’un monde de divertissement lénifiant et d’un déluge de mesures sécuritaires censées nous rassurer.
Ne voyez-vous pas du fond de vos palais et du haut de vos tours, que des hommes libres et révoltés se lèvent par milliers et proclament un monde résolument nouveau.
N’entendez-vous pas du fond de vos bureaux ou de vos usines, les clameurs d’une jeune génération, déterminée et inventive, que vous rêvez de recruter pour en faire des « collaborateurs » alors qu’ils se rêvent résistants ?
Pour eux, changer est désormais la seule manière de résister.
Ne sentez-vous pas, Messieurs, vos buildings, vos certitudes, vos modèles et vos business plans se lézarder sous la menace grandissante d’un vent nouveau, d’une planète en rébellion, d’un avenir qui vous échappe ?
Notre égalité était un leurre.
Vous avez subtilement muselé notre liberté.
Mais vous n’aurez pas notre fraternité.
Ou bien, tout ce qui fait de nous des humains aura résolument disparu.
Ainsi va le monde…




