« On a dû te dire qu’il fallait réussir dans la vie ; moi je te dis qu’il faut vivre, c’est la plus grande réussite du monde.
On t’a dit : « Avec ce que tu sais, tu gagneras de l’argent. » Moi je te dis : « Avec ce que tu sais, tu gagneras des joies. » C’est beaucoup mieux.
Tout le monde se rue sur l’argent. Il n’y a plus de place au tas des batailleurs. De temps en temps un d’eux sort de la mêlée, blême, titubant, sentant déjà le cadavre, le regard pareil à la froide clarté de la lune, les mains pleines d’or mais n’ayant plus force et qualité pour vivre ; et la vie le rejette.
Du côté des joies, nul ne se presse ; elles sont libres dans le monde, seules à mener leurs jeux féeriques sur l’asphodèle et le serpolet des clairières solitaires…
L’extraordinaire de notre condition d’homme n’est pas cette intelligence que nous nous sommes composée nous-mêmes, que nous dirigeons comme un rayon à notre gré, croyons-nous (car toujours l’inconnu la réfracte).
L’extraordinaire est notre puissance de mélange, cette partie divine de nous-mêmes, toujours insoumise, et qui fait de nous l’expression du monde.»
Jean Giono
Crédit photos: mon amie Catherine Tourasse !















