Dry Martini argentin

Coincé au creux des 39 degrés de la ville de Corrientes, dans cette Argentine tristement désargentée, où finalement le courant n’ai guère passé et, où je n’ai visiblement plus grand-chose à vivre, je patiente chaudement et prend mon mal en patience, qui suinte au goutte à goutte, à n’en plus finir. 

J’attends que le jeune et taciturne mécanicien, qui s’engraisse visiblement sur mon dos, depuis quelques jours, reçoive une pièce essentielle du circuit électrique de mon infatigable moto, afin de repartir, l’esprit aussi libre que mes rêves, en direction de Mendoza, la région la plus vinicole d’Argentine.

Nous sommes samedi. Il m’a promis que la pièce arriverait mardi. 

“OK, ça m’dit”!… », dis-je en faisant la grimace et en le saluant, avant d’aller dégoter une chambre, dans cette ville où tous les hôtels sont bondés, grandes vacances obligent! 

Quatre jours de réflexion et d’immobilité forcée que je vais mettre à profit pour imaginer à quoi vont ressembler les prochains mois de cette vie si passionnante, à regarder avec une curiosité dénuée de jugement ce peuple qui parfois me déconcerte, descendants d’européens pour la plupart, mais ayant oublié les mœurs du Vieux Continent en descendant des bateaux ou enfouis dans les recoins venteux d’une pampa inhospitalière. 

J’ai croisé ici des gens imbuvables, de magnifiques incompétents, des êtres joyeusement bruyants, quelques magnifiques sourires qui redonnent foi en l’humain, des hordes de lécheuses de vitrines, une population en surpoids assumé, et des barmen qui comptent sur leur magnifique gentillesse, une propice intervention divine et ma compatissante bienveillance pour que le Dry Martini, que j’eus la folle envie de commander, soit une réussite. 

Raté ! Le Dieu des cocktails était en villégiature ou suffoquait comme moi d’humide chaleur.

Alors, je profite d’avoir retrouvé une boutique de cigares, après mes deux mois d’abstinence en Bolivie, pour reprendre mes bonnes vieilles habitudes et envoyer des volutes en direction des cieux, qui sont tous des fumeurs de havanes, comme nous l’a signalé Gainsbourg.

En ce début de soirée perlante de sueur, j’adresse mes vœux enfumés aux puissances divines, qui écartent un instant le rideau blanc de deux nuages. Je crois discerner un œil lumineux qui me regarde ici-bas, mais peut-être s’agit-il de la Lune, qui disparaît dans un voile de fumée. Pourtant, j’ai cru voir un Dieu me fixer avec l’air inquiet du producteur de ce spectacle terrestre, qui décompte les spectateurs dans la salle et lorgne le moindre signe de satisfaction aux blagues facétieuses qui jalonnent ma vie de bohème…

Serait-ce l’effet des deux Dry Martini ratés, ou l’inaccoutumance qui ponctue mes retrouvailles avec le tabac viril, à moins que ce ne soit les vapes de la canicule qui me tournent la tête ? Choisissez l’explication qui vous plait…

Je dois mette à profit ces quelques jours d’inaction kilométrique, nomade en panne, ruban de bitume entre parenthèse, pour mettre une touche finale à mon troisième livre, et cristalliser mes idées sur le nouveau projet entrepreneurial qui m’enflamme, et qui donnera, sans doute lieu, à mon centième business plan. D’ici quelques semaines, les amoureux des lettres et les passionnés de chiffres auront tous de quoi lire.

Au fait ! Il arrive quand ce putain de régulateur électrique ? 

  • Mario!?… Otro Dry Martini, por favor;-) 

Allez, les amis du bout du monde… Je vous laisse entre les mains de l’immense Guy Goffette et je vais, de ce pas, me resservir un vers… 

Je me dis parfois qu’on ne devrait confier qu’à de tels poètes, nos motos ou tout autre engin d’évasion à réparer….

Bon dimanche !

“Ce que je voulais toujours avec toi, c’est partir

 et que la terre recommence

sous un autre jour, avec une herbe encore nubile

un soleil qui n’appuie pas trop

sur le cœur et puis du bleu tout autour comme

un chagrin qui se serait lavé

les yeux dans un reste d’enfance, et que le temps

s’arrête comme quand tout

allait de soi, tout, quand partir n’était

qu’une autre façon de rester

comme l’eau dans la rivière, les mots dans le poème

et moi, toujours en partance

entre l’encre et les étoiles, à rebrousser sans finle chemin des larmes.”

Guy Goffette

Publié par

Entrepreneur, écrivain et globe-trotter. L'homme le plus léger, le plus libre et le plus heureux du monde;-)

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