Je te vois
Toi, mon ami le sans-sous, le mendiant, défroqué du monde du fric, qui fait la manche sur nos trottoirs, toi le squatter d’un carré de bitume en marge de nos jungles urbaines, je te vois.
Toi, ma camarade accablée de fatigue, rincée à la tâche et abrutie d’ennui, je te vois somnolant dans les transports ou dormant dans l’inconfort d’un bout de banquette, ramassant comme tu le peux des copeaux de repos et des rêves en petites coupures, je te vois.
Toi, ma sœur esseulée, dont le regard ploie sous le fardeau de ta solitude subie, héroïne de ta famille mono-parentale dans une société de super-zéros, sœur abandonnée autant que mère-courage, te démenant pour offrir à tes enfants leur part de bonheur, entre l’espoir de lendemains qui chantent et la certitude de fin de mois qui pleurent, je te vois.
Toi, mon frangin de déveine, poursuivi par les banques, menacé par les huissiers, pilier de barre de tribunaux de commerce, tu t’imaginais sur un yacht ou rêvais de mettre les voiles et te voilà soutier surendetté dans ta vie de galère, sur les rebords coupants de la faillite, je te vois.
A vous tous, j’adresse un serment, homme invisible et femme transparente, répudié ou ignorée, mis au banc de l’invisibilité dans sociétés qui vénèrent l’invincibilité,
Je vous promets de vous offrir ce qui vous est refusé, un regard, une poignée de main, une parole. Je vous promets, Sœurs et frères humains de vous rendre visibles.
“Pour se rendre invisible n’importe quel homme n’a pas de moyen plus sûr que de devenir pauvre.” Simone Weil



























beau texte et belles photos ! je te souhaite une lumineuse l’ami !
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