Dans le centre de Rio de Janeiro, aujourd’hui un quartier très populaire, pauvre et délabré, où la religion dominante est devenue le commerce, se trouve un joyaux: le Real Gabinete Português de Leitura. Je vous épargne la traduction;-) 

C’est un sanctuaire sublime pour les mots qui y sont abrités, au milieu d’un océan de chiffres incarnant les rabais, ristournes et remises qui dominent désormais ce quartier. 

On y pénètre gratuitement et l’on peut rester là des heures à éprouver la noblesse du lieu, le vertige de ces 350.000 ouvrages remontant, pour certains, au XVIème siècle et ressentir ce que furent, en ces temps lointains, la puissance portugaise et la culture lusophone. 

Mais le jeu, apparemment est d’y pénétrer (gratuitement), de n’y rester que quelques courtes minutes, le temps de chaparder une trentaine de clichés, si possible avec sa tronche enjôleuse sur l’écran ou en se faisant copieusement photographier devant les rayonnages enluminés d’histoire. Cela montre que l’on a de la culture (avec la bouche en cul-de-poule) et fera le meilleur effet sur Instagram. J’avoue avoir passé plus d’une demi-heure à regarder les visiteurs et leurs comportements qui ne cesse de me surprendre.

Puis, je suis reparti. En route vers le sud, pour rejoindre lentement São Paulo, avec un sourire au lèvres et le cœur battant au rythme du privilège quotidien que j’éprouve à épousseter la plus belle bibliothèque qui soit: le Monde! 

Chaque jour, je choisis ce que j’ai envie de lire: l’histoire d’un visage, un ouvrage de géographie traitant des chemins de traverse, l’album dessiné d’un sourire, le dictionnaire d’une langue étrangère, une épopée héroïque dans la forêt amazonienne, les quelques aphorismes d’un écrivain-voyageur ou une belle histoire d’amour sous les tropiques. Tout m’est offert. Le monde est une fabuleuse bibliothèque. Il suffit d’écrire les livres qu’on a envie d’y lire, loin de mes semblables qui passent désormais leur vie à compter et à se photographier.