Kaléidoscope de mes journées d’arpenteurs de territoires méconnus.
Je pose ces photos ici, sans le moindre mot d’explication ou commentaires lyriques.
L’Afrique, en l’occurrence le Mozambique, ce bijou de l’Afrique australe trop mal connu, ce fragment d’une Afrique noire dans ce qu’elle a de plus authentique, égrenant sa débrouille et son sens de la survie sur le bord des routes…
Ces artères où circulent le sang d’un pays et où bat le pouls du peuple. L’Afrique est lève-tôt. Sans doute parce que des blancs lui on dit jadis que le monde appartient à ceux qui partagent cette pratique. Exercice aisé pour une population qui a connu l’aube de l’humanité, qui habite au berceau de notre espèce. Alors, dès les premières lueurs du jour, l’Afrique s’agite. Ils sont des millions à marcher le long de voies improvisées ou récemment bitumées par des Chinois omniprésents. La prévarication des temps modernes est désormais de couleur jaune.
L’Afrique court aussi pour entretenir sa forme, court après un avenir qu’on lui promet depuis des lustres et qui continue de lui échapper. L’avenir court souvent plus vite que les promesses occidentales…
Je traverse ce pays attachant, de long en large, avec le sentiment d’être un extra-terrestre que tout le monde regarde. On s’arrête de travailler dans les champs pour me regarder passer. On s’agglutine autour de la voiture. J’oscille entre envie et gestes de sympathie, saluts cordiaux et regards enjôleurs.
Alors que j’aurais tant aimé me fondre dans la masse et dans une communication prolifique avec ces gens que je suis venu découvrir, je ressasse mon impuissance. Je consomme ces trésors à la pince à épiler.
Hélas, tant de barrière entre nous. L’autre est vraiment Autre, même si dans un regard appuyé et un sourire sincère, on reconnaît la fraternité. Un frère, une mère, un ami certain, un amour possible. Et puis, il faut poursuivre la route, après avoir imaginé tous les possibles et s’être cogné à la tour de Babel et à l’amer constat d’existences aux antipodes, presque irréconciliables…
Repartir avec un sourire un peu mélancolique, après s’être rendu compte, une fois de plus, que le fossé des différences est insondable, et qu’on a beau jeter par-dessus l’abîme quelques cordages fragiles et éphémères en guise de passerelle, le temps d’une soirée, l’espace de quelques jours, rien n’éloigne autant les hommes que la froide réalité de leur existence, la glaise de leurs sillons et les murs épais qui persistent dans les esprits, qui emprisonnent et limitent.
Je suis amoureux de ma vie. De ce nomadisme de l’âme, le long de paysages qui convoquent l’émerveillement, de cette vie vagabonde qui ne trouve ses racines les plus fécondes que dans la Rencontre, la prochaine, l’éblouissante, celle qui dépanne, qui illumine, qui accélère le rythme cardiaque et fait éclater en mille morceaux de rire.
Alors, qu’est-ce que cette vie que j’ai choisie et qui me réinvente malgré moi ? Un miroir aux alouettes ? Une fuite en avant pour me jeter, avec un bel élan, contre le mur d’une mort inéluctable, après m’être pourléché les babines d’un rabe de vie ? Recherche subtile d’un homme en équilibre qui finirait par me ressembler, funambule sans peur et sans reproche, qui se jouerait des abîmes de l’Être en dansant sur le verbe Faire conjugué à tous les temps ?
L’avenir le dira. Pour l’instant, je jette des cordages par-dessus l’abîme, je construits des ponts, j’indique des directions de liberté.
Cadeau musical : https://youtu.be/1xrkkc_CgoM
























