Le musée qui ne valait pas un clou !

Pourquoi aller se perdre dans un musée pour butiner les gesticulations plus ou moins créatives d’artistes contemporains, quand la vie s’offre ainsi, sans fard et en toute subtilité, par un délicat jeu d’ombre et de lumière, sur la minuscule terrasse qui prolonge ma chambre ? 

Un tableau du quotidien qui jaillit au premier regard attentif, avec la complicité du soleil qui vient caresser les murs, mettre en lumière cette métaphore de toute chose et tout être vivant sur cette planète. 

La chose, en elle-même, vieux support en fer, rouillé par le temps, qui accueillit jadis trois bougies dansantes luttant joyeusement contre l’obscurité du monde. Sur le mur blanc, délavé par des années d’intempéries, le souvenir de son union avec le plâtre qui dessine des arabesques, comme un vieux couple qui se serait usé par habitude, pour finir par se séparer une fois que le clou qui les retenait, enfant unique de cet union purement décorative, eut pris son indépendance et quitté la maison. N’est-ce pas le sort de toute chose. Apprendre à toréer habilement la décrépitude ?

Et puis plus bas sur la droite, en ombre portée, la projection de l’objet qui s’invente des formes nouvelles et de douces courbures, affichant fièrement l’image de celui qu’il aurait voulu être, préférant cette danse dans la lumière de mars, à ses longues années d’immobilité passées en face d’une porte fenêtre. On met parfois très longtemps à devenir soi-même. Comme ce vieux chandelier, posé de guingois, tourné vers le soleil qui passe son temps à faire sa révolution. L’ombre du feuillage des bambous tout proches danse autour de lui et égaie ses journées. 

De l’autre côté du mur qui l’a laissé tomber, monte la rumeur des cris et des rires d’enfants d’une école primaire. Leur son plein de joie éclabousse le frémissement des feuilles. Sur le mur encore en vie, leur ombre se dandine. La brise qui vient de débouler, colportant les nouvelles de l’extérieur, vient rafraîchir ce tableau qui aurait pu demeurer longtemps inerte, insignifiant au premier regard, désincarné. 

Toute la vie se joue sous mes yeux, invité privilégié qui assiste aux premières loges, à cette humble leçon de sagesse…

On a beau laisser filer nos plus flamboyantes années, se séparer de ceux qu’on a aimés, on ne s’éloigne jamais vraiment de ce qui nous constitue, notre passé, nos amours défuntes, nos grandes amitiés, notre précoce vocation consistant à éclairer le monde, en nous tenant inexorablement debout. 

On ne change pas, on devient simple autre, en se réinventant une nouvelle raison de vivre, une ombre portée sur le restant de nos jours, les plus prolifiques, les plus poétiques, ceux qui recèlent sans le savoir des merveilles encore à vivre. 

Publié par

Entrepreneur, écrivain et globe-trotter. L'homme le plus léger, le plus libre et le plus heureux du monde;-)

Un commentaire sur « Le musée qui ne valait pas un clou ! »

  1. « On ne change pas, on devient simple autre » : oui, mille fois oui. C’est d’ailleurs le thème de mon roman autobiographique Coming in, paru il y a quelques années.
    Ses dernières lignes me sont revenues à la lecture des tiennes :
    « Pour terminer ce livre, je voudrais évoquer un roman qui, je me rends compte aujourd’hui, fut important pour moi, celui des Météores de Michel Tournier.
    Ce roman est articulé autour de deux jumeaux, Jean et Paul.
    L’un, Jean, a peur de la fusion. Sa gémellité l’a conduit à craindre celui qui lui ressemble. Difficulté de construire son identité face à son propre miroir. Aussi est-il parti loin, le plus loin possible. Fuite de ses origines.
    L’autre, Paul, ne vit que dans une union fusionnelle. Aussi la fuite de sa moitié l’a-t-il détruit. Il se sent abandonné, isolé. Il est en perpétuelle quête de l’autre.
    Pendant longtemps, j’ai été Jean. J’ai fui cet autre qui était moi-même. Pour le malheur de ma moitié que je désertais. Puis, je m’étais réveillé Paul. Triste et fissuré.
    Maintenant je suis Jean-Paul. »

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