Il m’aura fallu attendre 58 ans pour vivre l’expérience la plus extrême de toute mon existence et éprouvé des sensations qui repoussent, tout en les explorant, mes propres limites.
Quand un ami, jovial et généreux, qui plus est, voltigeur de talent t’invite à partager son cockpit pour une demi-heure de voltige aérienne au-dessus de l’aérodrome de Bernes-sur-Oise, en région parisienne, ne prend pas cela pour invitation amicale, mais plutôt comme une convocation impérieuse, un rendez-vous officiel que te lance ton destin.
Pour faire court, ce fut absolument incroyable ! C’est une expérience absolument inénarrable et l’enthousiasme que cela génère ne peut se partager qu’avec des chanceux qui ont eu l’occasion de flirter aussi librement avec leurs propres limites. C’est simple, 24h après, je ne m’en suis toujours pas remis.
Pour faire plus long, je vais essayer d’expliquer en quoi cela consiste.
Après avoir été briefé sur les consignes de sécurité, avoir endossé et réglé le parachute de secours, avoir plus ou moins intégré les « bonnes manières » pour s’éjecter de l’appareil en cas de pépin, je pris place dans le sémillant Extra 200 de fabrication allemande, où l’équipement est limité à l’essentiel, le confort ne faisant visiblement pas partie du concept.
Ce petit avion jaune et bleu, aux couleurs de l’Ukraine (solidarité même dans le ciel !) est une formule 1 des airs, pouvant encaisser des facteurs de charge de +10/-10 G. Sans avoir la moindre idée de ce que j’allais vivre, il valait mieux ne pas savoir trop vite que le pilote et son passager subissent davantage de G et dans un temps plus court qu’un pilote de Mirage ou de Rafale.
Le moteur américain de 200 CV suffit à convaincre tout amateur de sensations fortes que ses expériences précédentes dans des manèges de parc d’attraction du type montagnes russes et autres grand 8 ne sont finalement qu’un exercice réservé aux enfants de cœur et une pâle répétition de ce qui se joue dans des aéroclubs tels que celui de Horizon Voltige dont mon ami, Philippe Moreno, est le Président, celui-ci se fera un plaisir de faire partager cette passion de la voltige aérienne et de vous faire vivre cette discipline exigeante qu’est le vol acrobatique. On ne croise dans ces lieux que des passionnés particulièrement expérimentés, des anciens de l’aéronavale, des pilotes d’essais en retraite, ou des aviateurs ayant passé leur carrière dans l’Armée de l’air. C’est plutôt rassurant !
Une fois harnaché solidement sur le siège avant, sanglé comme il se doit et séparé de l’hélice par un vrombissant moteur, sorte de haras mécanique où les deux-cents chevaux de compétition n’attendent que la dextérité du pilote pour nous expédier droit vers les nuages, on referme la canopée, cette verrière grand format qui va devenir l’écran géant sur lequel va être projeté l’un des films les plus impressionnants jamais réalisé, sans aucuns effets spéciaux et avec Nous dans les rôles principaux. L’expérience qui va suivre est tout bonnement prodigieuse. C’est tellement impressionnant qu’il est légitime de se demander à certain moment ce qu’on est venu faire ici, mais durant la demi-heure durant laquelle se déroule cette expérience, on comprend vite qu’il n’y a pas de doublure possible et que l’acteur principale de ce baptême aérien doit assumer toutes les cascades !
Après un décollage impeccable de la courte piste en herbe, l’avion monte rapidement à 3.000 pieds. On se stabilise, juste le temps que Philippe m’informe au casque des manœuvres qu’il compte faire pour m’initier à cette discipline qui flirte avec les limites de l’aéronautique, c’est toute la beauté de l’art. Je sens que l’avion est hyper-réactif et qu’il suffit de tirer le manche pour qu’il aille à la verticale courtiser les quelques nuages qui jouent à cache-cache avec le soleil de ce samedi d’avril. Mon ami pilote me demande de l’informer dès que je me sens mal, de ne pas hésiter à me saisir du sac en plastique si je sens que mon petit-déjeuner a envie de braver les règles habituelles de la gravité terrestre et me préviens que nous allons faire un premier test qui vaut tous les électrocardiogrammes du monde, consistant à pousser le manche ! J’acquiesce dans le micro sans véritablement comprendre ce qui va en résulter. Brutalement, l’avion pique vers le sol à 350 km/h, tous mes organes et les quelques litres de sang qui les irriguent semble remonter directement au cerveau. J’ai le souffle coupé jusqu’à ce qu’il redresse l’avion à l’horizontal. Philippe me demande si ça va. J’ai envie de dire oui sans pour autant être tout à fait sûr de la véracité de mes dires !
Il s’ensuivra des séries de boucles, de tonneaux, de vrilles ventrales ou dorsales, des déclenchements sous 45°. A chaque fois, Philippe me prévient de la nouvelle figure qu’il va faire. A peine prévenu, mon corps tout entier m’échappe à nouveau, mes mains serrent les poignées au maximum de mes capacités physiques, les impressions sont hallucinantes ! J’essaie de résister à la perte d’apesanteur tout en accompagnant les trajectoires folles de cet avion ultra-maniable. Après quelques renversements en sortie tirée ou poussée, j’ai le droit à une figure qui est vraisemblablement très impressionnante vue du sol, dont le nom est lomcevak, qui donne l’impression aux spectateurs restés sagement sur le plancher des vaches que l’avion est littéralement en perdition et qu’il tombe comme une feuille morte baladé par un vent facétieux. A l’intérieur du cockpit c’est une véritable centrifugeuse et je me demande comment il parvient à piloter et à enchaîner de telles manœuvres.
Après la demi-heure passée là-haut à me demander si je vais finir au Paradis pour avoir supporté l’Enfer, l’avion se pose avec légèreté – il pèse à peine 600 kg – et je ne suis pas mécontent de retrouver le contrôle de ma propre existence. Je ne suis pas malade, j’ai juste perdu toute notion de distance, de sens et de temps. Les trente minutes sont passées curieusement en deux minutes et deux heures. Impossible de savoir combien de minutes a réellement duré le vol. Une fois, l’avion posé et le moteur arrêté, je retrouve rapidement le sens de l’équilibre, plante avec bonheur mes deux pieds dans la terre ferme, condition naturelle et rassurante pour le bipède que j’avais cessé d’être en me prenant pour un oiseau fou. Philippe me demande si j’ai aimé l’expérience. Je n’ai pas la réponse. Je sais que je viens de vivre quelque chose d’extraordinaire mais tout mon sang est accaparé à reprendre possession de mes organes vitaux. Je n’en ai plus suffisamment dans le cerveau pour pouvoir formuler une réponse claire. Je me contente d’une salve de remerciements pour m’avoir offert cette expérience au confins de moi-même.
Après quelques paperasses d’usage, nous nettoyons l’avion qui a provoqué un véritable génocide dans le monde des insectes. Des centaines de moucherons ne rentreront pas chez eux ce soir, ce qui n’est pas mon cas, car je sais déjà que j’ai réalisé un rêve plus grand que moi et que cette matinée à ancré l’amitié au firmament des expériences humaines. Après un déjeuner sympathique et dignement arrosé au restaurant de l’aérodrome, au milieu de dizaines de passionnés et dans une ambiance chaleureuse, je rentre vers Paris avec un grand sourire aux lèvres, un peu groggy comme un boxeur qui aurait dû affronter trois adversaires en même temps sur le ring et avec cette sensation d’être merveilleusement en vie !
Alors, si cette chronique vous a donné envie de vivre ce type d’expérience, de sortir de votre fameuse zone de confort ou d’en apprendre plus sur vous-même en allant vous coltiner à la magie de l’espace devenu furieusement facétieux, bravant les lois élémentaires de la gravité terrestre, n’hésitez pas à contacter l’association Horizon Voltige ou à offrir ce genre d’aventure au gens que vous aimez !
N’ayant pas le droit d’embarquer le moindre objet, ne serait-ce qu’une simple pièce de monnaie, pour qu’aucun corps étranger ne puisse se balader dans l’habitacle au moment des loopings et autres pirouettes aériennes, je n’ai pu filmer quoi que ce soit (d’ailleurs ce type d’expérience efface toute envie de selfie ou de narcissisme, l’ego reste sagement au sol !). Vous trouverez donc une petite vidéo issue de Youtube, filmant l’un des pilotes de cet aéroclub. Cela donnera une petite idée des effets physiques que l’on peut ressentir. Regardez bien les expressions faciales du pilote, cela vaut tous les mots.
Vingt-quatre heures plus tard, avec le corps endolori tant la crispation fut forte, comme si j’avais été bastonné durant trente minutes, je peux déclarer en toute lucidité que j’ai adoré cette matinée passée chez Horizon Voltige !
Merci Philippe pour cet inestimable cadeau sur les rebords de moi-même 😉
Le site de l’association : https://horizonvoltige.fr
Le film : https://www.youtube.com/watch?v=la5LyDthC44








Hello Frédéric,
Nous nous sommes croisés à Persan ce jour précis de ton intronisation acrobatique. Sur le coup, il était évident que cette expérience allait te laisser des traces. Pour autant, à la lecture de ces quelques paragraphes, pas au point de penser qu’elle t’emmènerait si loin au cœur de tout un tas d’émotions.
Nous autres, Philippe, Didier, Antoine, moi et quelques autres qui sommes à l’origine de la création de ce club il y a 12 ans sommes convaincus, s’il en était encore besoin, que nous avons réussis dans notre tâche de créer une association où la transmission de la passion est le fil rouge de nos investissements personnels. Toi, comme d’autres précédemment intronisés , par vos émotions décrites dans vos récits verbaux ou écrits, êtes
les messagers d’une expérience unique. Et c’est aussi cela qui nourrit notre motivation.
Merci à toi
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