De très riches fantômes

Laissez-moi vous raconter l’histoire d’une ville fantôme qui fut un jour, à l’époque de sa fugace gloire, la ville la plus riche du monde. Cette ville se nomme Kolmanskop et n’est plus qu’une petite gare ferroviaire située à 850 km au sud-ouest de Windhoek, la capitale de la Namibie, et à quelques encâblures de Lüderitz, une petite ville portuaire jadis florissante.

Kolmanskop est sans aucun doute mon plus beau coup de cœur, durant les 80 jours que j’ai passés à explorer patiemment ce pays africain, période durant laquelle Phileas Fogg aurait achevé son tour du monde… Que voulez-vous, je voyage lentement et j’ai appris que le temps est le meilleur allié pour connaître un pays et son peuple, pour ne pas survoler à la va-vite une histoire et une géographie particulières, qui façonnèrent des millions de vies humaines et de destins. La Namibie vaut tous les électrocardiogrammes au monde, car l’éblouissement face à la beauté des paysages et les coups de cœurs esthétiques sont forts et quotidiens. 

Une fois n’est pas coutume, cette chronique va débuter par une série de photos étonnantes afin que vous vous inspiriez et compreniez de quoi on parle. Ensuite viendra l’histoire de cette cité fabuleuse. J’espère qu’elle vous plaira…

Bon voyage parmi les riches fantômes !

Tout a commencé un jour de 1905. Un transporteur de bestiaux, du nom de Johnny Kolman, voyant approcher une féroce tempête de sable, mis à l’abris son fourgon au pied d’une colline située en plein désert du Namib, le plus vieux désert au monde. La légende, toujours avide de sensationnalisme, colportée par les hommes qui préfèrent les histoires de trains qui n’arrivent pas à l’heure ou de charriots qui se perdent dans le désert, veut que le pauvre Johnny soit mort de soif dans ce désert hostile. Mais il n’en fut rien. Il est vrai que la tempête fut telle, que son bétail fut dispersé et que l’on retrouva de nombreux cadavres de bœufs à des kilomètres à la ronde. Johnny Kolman fut retrouvé et sauvé quelques jours plus tard. Mais son charriot, abîmé et à demi ensablé fut abandonné et demeura dans ce no man’s land durant plusieurs années. En souvenir de ce jour funeste, on nomma le lieu Kolmanskuppe (la colline de Kolman), qui devint avec le temps, en afrikaans, Kolmanskop.

Il faut attendre le 10 avril 1908 et la construction d’une voie ferrée, reliant les villes de Aus, à l’intérieur des terres, à Lüderitz située sur la côte occidentale namibienne, pour que le destin s’empare à nouveau de ce coin abandonné aux sables du Namib. Un dénommé Zacharias Lewala, simple préposé à l’entretien des voies, était affairé comme chaque jour, au nettoyage et au désensablement des rails. Son regard fut attiré par un scintillement dans le sable.  Il se pencha et ramassa une pierre qui brillait au soleil sur la voie ferrée. Il fut subjugué par sa beauté. Le pauvre Zacharias, sans doute trop honnête pour être riche ou trop peu dégourdi pour saisir cette opportunité unique, qui aurait pu changer le cours de son destin, s’en alla porter le curieux cailloux à son responsable, un certain August Stauch, qui avait la charge du chemin de fer dans ce coin perdu du Protectorat germanique.

Stauch était passionné de minéralogie. Il flaire d’emblée la belle affaire et avec deux de ses collègues ingénieurs allemands, Sönke Nissen et Max Weidtmann, ils partent sans traîner à Aus pour présenter leur trouvaille à la personne la plus à même de reconnaître un diamant, un certain Dr Peyer. Celui-ci, refuse d’identifier la pierre tant qu’un accord écrit n’est pas signé, lui garantissant ainsi une part du butin. Les trois compères s’exécutent et la pierre est nettoyée à l’acide et dûment confirmée par le Dr Peyer, comme étant un diamant de première qualité. D’un commun accord, ils décident de garder secret leur découverte et fêtent l’événement en ouvrant une bonne bouteille de champagne français.

Le 20 mai, Stauch se rend à Swakopmund, aux laboratoires Bergtechnisches, spécialisés en géologie et fondés par un consortium de 32 banques allemandes dans le but de promouvoir l’exploitation minière sur ce territoire colonial situé à l’ouest de la corne africaine, qui deviendra bien des années plus tard, la Namibie. August Stauch en ressort avec la certitude qu’il s’agit d’un diamant de qualité exceptionnelle. Il n’y a donc plus de temps à perdre. De retour à Luderitzbucht, il acquiert des permis de prospection à la pelle, rachetant même les concessions d’autres prospecteurs allemands moins chanceux. Profitant du fait que la nouvelle ne s’est pas encore ébruitée, il rachète en l’espace de deux mois, avec ses deux acolytes, une vaste zone aux alentours de Kolmanskop.

La nouvelle finira par se répandre vite, attirant un flot continu de prospecteurs qui vont déferler sur la région pour venir tenter leur chance.

Le 20 janvier 1909, est créée à Berlin la Koloniale Bergbau Gesellschaft (KBG). August Stauch et ses deux camarades s’octroient chacun 20% des actions et le reste du capital appartient à deux compagnies de chemin de fer. Pour la petite histoire, Zacharias Lewala ne toucha jamais aucune rétribution ni récompense pour sa découverte. Stauch finira par l’employer comme cocher, maigre signe reconnaissance pour quelqu’un qui fut à l’origine de la fortune facile, rapide et colossale des trois fondateurs roublards de la KBG.

Dès 1909, ayant eu vent du développement anarchique de la région, suite à l’arrivée massive de prospecteurs attirés par cette fièvre du diamant, le gouvernement allemand décida de mettre fin au pillage des terres et édicta une législation sévère visant à créer une vaste zone de la Namibie « Sperrgebiet » (zone interdite). L’accès de cette zone était interdite aux citoyens ordinaires et les droits de prospection furent limités à une poignée de sociétés minières triées sur le volet, dont la KBG.

Les populations locales furent expulsées de leur terres ancestrales et déportées sans ménagement, dans le meilleur des cas. Les hommes furent employés dans les mines de diamants, moyennant une rétribution symbolique, obligés à vivre dans des baraquements étriqués, dans des conditions qui tenaient davantage de l’esclavage moderne que du capitalisme paternaliste.

Il faut dirent que les Allemands n’y allèrent pas de mains mortes lorsqu’ils installèrent leur Protectorat dans cette partie de l’Afrique australe et qu’ils n’ont rien à envier aux Afrikaners d’Afrique du Sud en termes d’apartheid et d’exactions commises sur les populations locales. Quatre années avant la découverte des diamants, les peuples autochtones qui occupaient ces terres depuis des siècles, à savoir les Namas et les Hereros furent trompés, maltraités, exploités, et les femmes furent souvent violées par les colons allemands. Les tribus se sont rebellées mais la résistance fut brutalement réprimée. On estime à ce jour, selon les historiens, que le génocide perpétré a tué plus de 60.000 Herero et quasiment 10.000 Namas.

Comme souvent dans l’histoire moderne, la richesse de quelques-uns prospéra sur le sort peu enviable des populations locales, réduites au silence ou à la déportation. Mais, face au considérable ressources qui furent découvertes à partir de 1908 dans ce coin perdu de l’Afrique australe, les atrocités coloniales laissèrent la place à un coupable silence pour devenir rapidement une amnésie collective. Les rivières de diamants pouvaient désormais étinceler au cou des belles européennes et les brillantes fortunes être amassées, en un temps record. Le boom économique et l’ivresse de l’argent facile masquèrent rapidement les heures les plus sombres de cette colonisation. On raconte surtout de nos jours, aux 35.000 touristes qui défilent à Kolsmankop, l’histoire des mines de diamants, en faisant bien l’impasse sur cette terre qui regorge aussi de charniers.

Toujours est-il que le développement de Kolmaskop, en cette époque florissante, fut exponentiel. Les trois associés de KBG devinrent en l’espace de deux ans multimillionnaires.  La société, étant l’une des entreprises bénéficiant de cet situation d’oligopole voulue par les autorités allemandes, dégageait dès 1910 des profits mirobolants.

Pour faire face à l’essor économique et accueillir les nouveaux colons, les cabanes préfabriquées qui furent importées d’Allemagne, firent rapidement place à d’imposantes bâtisses et d’impressionnants bâtiments construits en dur.

En 1912, la seule ville de Kolmanskop produisait 1 million de carats, soit quasiment 12% de la production mondiale de diamants de l’époque, et 5 millions de carats y furent extraits durant les six premières années d’exploitation. A titre de comparaison, la Namibie, aujourd’hui 7ème producteur mondial, a produit en 2020 un total de 1,9 million de carats. Cela donne une idée des ressources financières qui ont déferlé en si peu de temps, sur cette petite bande de sable du Namib.

A son apogée, la ville compta 250 familles, soit 400 personnes, et 800 travailleurs pour la plupart issu des tribus Owando. Compte tenu de la richesse créée et de la faible densité de la population, dans les années précédant la première guerre mondiale, Kolmanskop put revendiquer le titre de « ville la plus riche du monde », mesuré en PIB/habitant.

Bien que perdue au milieu des sables, cette petite ville devint follement opulente. L’eau potable était importée directement depuis le Cap, situé à mille kilomètres au sud. Elle disposait d’électricité, d’une école, d’un casino, d’une piscine. Une fabrique de glace fut installée pour fournir des pains de glace aux réfrigérateurs des riches familles. Un bureau de poste, une boulangerie, un boucher et des magasins proposant toutes sortes de provisions s’y installèrent.

Un peu plus tard, une salle de spectacle, équipée d’un orgue y fut inaugurée, proposant parfois des opéras européens. Une salle de bal, un bowling et un gymnase furent créés par la suite.

Malgré un climat particulièrement austère, où la chaleur, la sécheresse extrême et les vents de sables rendent difficile toute vie, la municipalité entretenait des jardins plantés de gazon, de massifs de fleurs et d’eucalyptus.

L’hôpital qui fut installé et dont les soins étaient gratuits, financés par la mine, était l’un des plus modernes d’Afrique du Sud et reçut la première machine à rayons X de toute l’Afrique australe. Il faut dire qu’en dehors des radios effectuées pour des soins éventuels, cette machine était surtout dédiée à soigner les ouvriers qui avaient tenté de voler des diamants en les ingurgitant.

Durant ces quelques années de prospérité débridée, il régnait à Kolmanskop un air d’excentricité que seul l’excès d’argent, mêlé à l’oisiveté, peut engendrer. Une riche famille s’était mis en tête de domestiquer une autruche, qui par nature est un animal agressif quand il se sent contraint. Cette dernière semait le trouble parmi la population, souvent apeurée par cet animal sauvage, par nature incontrôlable. Mais on lui trouvait une utilité, lors des cérémonies de Noël, en lui faisant tiré un traineau et dévaler les dunes de sables pour amuser les bambins.

Cette oasis artificielle et luxueuse, sorte de mini Dubaï implantée aux confins du Namib, finit par connaître des heures difficiles. Le déclenchement de la première guerre mondiale mit un coup d’arrêt à l’exploitation des mines diamantifères et coupa l’Allemagne de ces importants revenus. La population allemande prit ses clics et ses clacs et rentra au pays. L’administration de la ville passa sous contrôle Sud-Africain. Les beaux jours d’August Stauch et de ses associés étaient désormais derrière eux.

Au début de la guerre, le pauvre Zacharias Lewala, à qui l’on doit en partie cette rocambolesque histoire, fut déporté en Afrique du Sud dont il était issu et on n’entendit plus jamais parler de lui.

Après-guerre, l’extraction de diamants repris de plus belle jusqu’à la fin des années vingt. L’intensité de l’exploitation minière avait fini par épuiser les gisements et en 1928, on découvrit au sud-ouest de la Namibie, dans les environs d’Oranjemund, des filons à ciel ouvert, constituant les gisements diamantifères les plus riches au monde. Il n’en fallait pas plus pour que la population migrent sans tarder et parte s’installer quelques trois cents kilomètres plus au sud. Attirés de nouveau par une nouvelle fièvre du diamant, les habitants quittèrent en nombre leur maison, souvent sans se préoccuper d’emporter leurs meubles.

En 1956, il ne restait pas une âme qui vive à Kolmanskop. La ville était totalement abandonnée aux sables du désert et aux intempéries qui sont parfois violentes dans cette partie de la Namibie, notamment les tempêtes de vent.

Il faudra attendre 1980, pour que la société De Beers, géant Sud-Africain de l’industrie du diamant et associée au gouvernement namibien pour l’exploitation minière du Namib, décide de rénover certains bâtiments et d’installer un musée afin de préserver l’histoire de Kolmanskop et d’en faire une destination touristique.

Aujourd’hui des bus entiers déferlent chaque années avec des hordes de touristes venus jouer les Ghostbusters et repeuplant pour quelques heures cette ville avant de l’abandonner aux dunes orangées, le soir venu.

J’ai eu la chance de me rendre à Kolmaskop, alors que le COVID et son variant Omicron faisaient encore tant parler d’eux. Si bien que j’eus le privilège de découvrir cette ville fantôme, en étant quasiment seul, sans la meute coutumière des visiteurs qui déferlaient, avant que la planète ne soit paralysée par une hystérie de peur et que les voyages soient interdits.

Arpenter les dunes pour entrer à sa guise dans ces demeures abandonnées, est une expérience particulièrement émouvante. Il y a quelque chose qui tient du voyeurisme, d’une chasse au trésor, de l’archéologie. On a l’impression d’entrer par effraction chez des gens qui se sont absentés et qui ne vont pas tarder à réapparaître. C’est comme marcher au crépuscule dans une ville et regarder les pièces qui s’éclairent peu à peu, pour deviner comment vivent les gens, ce qu’ils font et comment est décoré leur intérieur.

Franchissant les lourdes portes d’entrée, arpentant chaque pièce, furetant de salon-de-réception en salle-à-manger, de chambres en salle-de-bains, de caves en greniers, admirant les peintures aux couleurs défraichies, les fiers volumes des murs désormais écaillés et menacés de décrépitude, les papiers peints raffinés, pour la plupart effacés par le temps, j’oscillais entre la fascination, l’excitation et un curieux sentiment de gêne.

Fascination de voir ces bâtisses résolument bourgeoises, aujourd’hui déchues, abandonnées à leur triste sort, ces vérandas aux vitres éclatées, s’avançant comme de fières figures de proue sur un océan de sable, ces pièces ouvertes aux quatre vents, envahies par les tempêtes de sable qui n’ont plus à frapper aux carreaux désormais absents. Une fascination qui hésitait à force de trop en voir et de trop ressentir, entre la curiosité et une pointe de tristesse, entre l’observation attentive des moindres détails ou du meilleur angle pour immortaliser, par une photo, toute la beauté fanée des lieux et une sorte de contemplation mélancolique, une forme de recueillement face à la prise de conscience presque palpable qu’offre ce lieu unique.

Excitation, disais-je, de me sentir comme le dernier homme sur terre, me demandant comment nous en sommes arrivés là, et confronté aux vestiges d’une ancienne civilisation, à des paysages délabrés et hors du temps, à cette splendeur passée qui n’a plus que le silence du désert comme seul écrin. Excitation de la découverte qu’ont dû ressentir aussi les premiers égyptologues, les découvreurs des cités Mayas et des pyramides Aztèques. Une heure ou peut-être deux à décrypter les signes, à interpréter les traces, à imaginer des vies derrière le vide de ses maisons englouties peu à peu par les dunes, où la poussière du désert recouvre chaque plancher et les vagues de sables meublent l’espace, se fracassant contre les murs de chaque pièce.

Gêne aussi, qui finit par enserrer le cœur et ressembler à un malaise, à force d’imaginer cette soudaine vie florissante et cette débauche de richesse, au milieu de rien, dans ce bout d’Afrique où tout n’était que dénuement, existences simples, respect du temps, de la nature et des ressources qu’elle prodiguait. Quel contraste, quelle indécence ! Comment ne pas repenser à l’histoire de cette cité jadis si opulente, comme tant d’autres lieux dans le monde, si emblématique de l’histoire coloniale de toutes les nations européennes, dont j’ai vu les excès, la convoitise, les mensonges et les crimes en Amérique Latine puis en Afrique. Cinq siècles où des nations soi-disant civilisées se sont échinées à inféoder des peuples et des territoires, accaparant leurs richesses, annihilant leurs cultures, asservissant ou massacrant leur population, au nom d’obscures croyances religieuses ; l’avidité et la cupidité n’étant jamais bien éloignées de l’autel ou de la croix.

Je suis donc reparti plus inspiré que jamais, après ces quelques heures passées en parfaite solitude, seulement accompagné de mon amie Dorothy, qui vivait le lieu de son côté et le butinait à sa manière. Mon activité émotionnelle et cérébrale contrastaient furieusement avec le calme profond de ces ruines, que les hommes avaient désertées et où le temps s’était arrêté.

Je suis reparti riche de cette nouvelle découverte qui enlumine la galerie de mes souvenirs de Tour du Monde, mais aussi avec une pointe d’amertume, celle que procure parfois l’injustice, lorsqu’on est confronté à l’absurdité du monde, à ces instants où l’on prend conscience, par les faits ou les preuves historiques, de la petitesse des hommes qui anime souvent leurs rêves de grandeur.

Comment croire encore en l’homme, qui pour quelques rivières de diamant, est capable de faire couler tant de fleuves de sang ? Les blood diamonds africains ne sont pas de l’histoire ancienne ou un simple film hollywoodien, et n’ont rien à envier aux orpailleurs sud-américains. Partout où l’argent enivre les hommes, les trafics, l’esclavage, la convoitise, la prévarication transforment les hommes en viles fantômes. Le civilisé redevient prédateur. Un bonze et un bourreau sommeillent en chaque homme, mais dès que ça étincelle, le second prend inéluctablement l’ascendant sur le premier. C’est toute l’histoire du monde.

Nul besoin de voyager à l’autre bout de la terre et d’aller passer des heures solitaires à Kolmanskop. Il suffit de s’assoir dans un jardin public ou dans le square d’une grande ville, et de regarder les pigeons qui chient copieusement sur une statue de bronze. Tous ces rêves de richesse et de gloire, ce monde obsédé de possessions, de pouvoirs, de scintillements fugaces et illusoires, tout cela pour finir sous des torrents de sable et des tombereaux de fiente qui ensevelissent bien vite les hommes, cette espèce dont je fais partie et qui se crut durant un bref instant de l’Univers, si importante !

Alors que je quittai Kolmanskop, roulant en direction de Aus, je vis au loin un nuage qui montait vers le ciel, que je pris dans un premier temps pour une tornade de poussière. En me rapprochant, je constatai qu’il s’agissait d’un long train qui convoyait des wagons chargés de minerais, tiré par une locomotive bleue qui envoyait vers le ciel, par provocation en ces temps de dérèglement climatique, la preuve de son empreinte carbone et l’idée que Kolmanskop ressemblait comme deux gouttes d’eau au monde dans lequel vivront nos enfants ou nos petits-enfants. J’eus alors une pensée amicale pour Johnny Kolman, en imaginant que ce train finirait tôt ou tard ensablé, comme le fut son humble charriot, au pied de ces collines du Namib qui finissent par tout engloutir. La voiture roulait vers l’Est et je pensais aussi à Zacharias Lewala et à toute cette histoire dont il fut l’étincelle. J’espère qu’il balaie désormais les rails du Paradis, bien loin du triste train-train des hommes devenus fous.

Afin de redonner un peu d’espoir à l’issue de cette chronique, je laisserai comme il se doit la conclusion au poète Christian Bobin, car il n’y a plus que la poésie et un sursaut de lucidité qui puissent nous sauver de nos démons et nous redonner de l’espoir.

« Les maisons sont comme les gens, elles ont leur âge, leurs fatigues, leurs folies. Ou plutôt non : ce sont les gens qui sont comme des maisons, avec leur cave, leur grenier, leurs murs et, parfois, de si claires fenêtres donnant sur de si beaux jardins. »

Le train de minerais reliant Lüderitz et Aus

Publié par

Entrepreneur, écrivain et globe-trotter. L'homme le plus léger, le plus libre et le plus heureux du monde;-)

4 commentaires sur « De très riches fantômes »

  1. Ah, le panneau ‘under renovation’, quel clin d’œil !
    Et la machine à rayon X …
    Merci pour cette histoire ô combien intéressante
    Je partage votre regard sur cette civilisation capable du pire et du meilleur, où un petit cailloux est capable de faire perdre la tête à tant de gens

    Aimé par 1 personne

    1. Merci Ghislaine ! Bravo pour les 24 pages lues;-)
      Une chronique qui figurera dans le livre sur l’Afrique, à sortir en fin d’année !
      Une flopée de baisers, comme s’il en pleuvait, sur Saint Jean de Luz..

      J’aime

Laisser un commentaire