Je n’ai jamais vu l’amour.
Je n’ai fait que m’enflammer ou m’étourdir dans des preuves d’amour.
Comme le chemin dont on ne remarquerait que les cailloux blancs et les bornes kilométriques, mais où les traces phosphorescentes de nos pas amoureux continueraient de briller longtemps après, dans la pénombre de l’oubli.
Je n’ai jamais vu le vent.
Je n’ai fait que le sentir sur ma peau, l’été, lorsqu’une brise amicale venait me rafraîchir.
J’ai encaissé aussi ses virils coups d’épaule lorsqu’il courtisait, comme moi, les plaines infinies de la Patagonie.
Je l’ai vu passer sa main dans le feuillage des arbres et faire tourner la tête des volages girouettes.
Mais je ne l’ai jamais vu en face.
Je n’ai jamais vu la lumière.
J’ai vu son cortège d’ombres danser sur le mur de mes chambres du bout du monde, au petit matin.
J’ai vu son reflet argenté dans une flaque qui avait chapardé un morceau du ciel et les couleurs dont elle se pare, au coucher, pour nous souhaiter une bonne nuit, en nous abandonnant aux ténèbres et à nos promesses d’un soir.
Je n’ai jamais vu le bonheur.
Je n’ai fait que moissonner chaque jour des regards scintillants, des battements de cœur et des souffles coupés.
Je dénombre les cicatrices à la surface du cœur et les rides rieuses sur mon visage buriné par les années, et je sais qu’il s’agit des griffes de la joie, cette indéfectible compagne du bonheur.
Je n’ai jamais vue la vie, non plus.
En dépit des conversations prolifiques que j’ai tenues avec quelques fleurs des champs, plus bavardes que des roses enjôleuses, mais revêches de leurs épines.
Malgré les heures passées à observer le génie de la vie subtilement dispersé dans tout le règne animal, dissimulé dans chaque être que nous prétendons dominer.
Malgré toute mon attention investie dans une cours d’école maternelle, à écouter la musique de la vie qui ressemble aux rires des enfants et à les voir s’ingénier à perdre leur innocence.
Nous ne voyons jamais vraiment les choses qui font de nous… des vivants.
Nous ne faisons qu’en récolter les fragments, qu’en amasser les preuves, qu’en ressentir les manifestations.
Comme la vague qui s’allie aux autres vagues et finir par se prendre pour l’océan, nous ne voyons de l’eau que la crête écumeuse, l’ivresse de l’onde et l’inexorable force.
Nous voyageons entre deux tropiques, nous nous élevons en pactisant avec la lumière des jours, le vent des tempêtes, la vie des profondeurs et l’amour du mouvement, jusqu’à la mort, la Grande inconnue, pour le dernier fracas contre le rocher impassible.
Mais quel fabuleux voyage dans cette forêt d’indices et de preuves !


















Fragment d’écrivain talentueux!
J’adore
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Merci mon Ami;-)
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Mais dis moi … « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».
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